Un corps fantasmé et transformé

Les consommateurs de porno piochent dans un catalogue de modèles connus pour oser des scènes crues avec un certain réalisme. Derrière cette façade du virtuelle ces pornophiles ont une vision des corps fantasmée. Corps parfaitement épilés, musclés, qui ont un impact décisif sur la manière dont les corps sont vus aujourd’hui. Cette hypersexualisation des mœurs transforme les codes, notamment des jeunes.

Une enquête réalisée par Richard Poulin stipule dans ses résultats que « trois filles sur quatre s’épilent les parties génitales. Quant aux garçons, plus de la moitié d’entre eux s’épilent les parties génitales. Ces résultats démontrent que la consommation de la pornographie par les jeunes influence leur perception du corps (ce qui est esthétique ou non et ce qui est sain ou non) et interfère sur leur rapport au corps ».

La pornographie refuse une certaine « imperfection des corps » et idolâtre des modèles irréalistes. Pour démontrer ce phénomène Amélie Laprade et Richard Poulin parlent d’une amplification de la conscience du corps « comme si les normes pornographiques  (…) pénétraient littéralement la peau ». De quoi parlent- ils ? De l’explosion des tatouages, percing, gonflement des seins et des lèvres de la bouche, suppression des grandes lèvres du vagin (nymphoplastie).

Corps fantasmé d’une part, corps transformé d’une autre, bienvenue au pays du virtuel qui veut devenir réel. La pornographie déforme tout simplement la vision du corps, objet devenu parfait au service d’un plaisir passager.

Le cœur broyé

Silence, emmurement, addiction compulsive, honte… Voici un étonnant cocktail d’effets post porno qui impactent les relations sociales du consommateur.

Le visionnage pornographique est un sujet tabou car il touche à l’intime de la personne et à son rapport au corps, au plaisir, à l’amour. Pourrait- on affirmer qu’il existe deux manières de consulter du porno ? Le visionnage ponctuel qui apparaît aux yeux de certains sympathique, manière de rebooster sa vie sexuelle et de se procurer un plaisir ponctuel. Le visionnage addictif qui résonne en nous comme un enfermement compulsif. Les deux versants de cette même réalité sont en réalité assez similaires. Comme toute drogue, le porno entraîne le consommateur à une tristesse intérieure non communicable, à un dégoût de lui-même et à une certaine incapacité à l’altérité heureuse. L’autre apparaît lointain , séparé d’une barrière de culpabilité et repli sur soi que le pornophile n’est pas en mesure d’expliquer.

Cœur broyé à partir d’un corps replié qui refuse l’amour à deux et choisit le plaisir solitaire.

La tête fatiguée

Cerveau fatigué, mais aussi discernement diminué et visions de l’autre abîmées…

 

La pornographie, qui s’infiltre dans des millions d’écrans, enflamme les adultes en un clic.  Mais efface aussi en quelques secondes leur capacité d’émerveillement et de bon sens. Ils deviennent « consomm’acteurs », aux pensées addictives, qui les coupent du bonheur.

« La dopamine est vitale pour se sentir heureux. Cette substance sécrétée par le cerveau, nous fait sentir le bonheur lorsqu’on gagne de l’argent ou quand on accomplit une œuvre importante. Lorsque le cerveau devient accro à regarder les scènes sexuelles, la sécrétion de la dopamine augmente, mais après un moment les cellules qui sécrètent la dopamine se fatiguent, leur sécrétion diminue et elles s’atrophient progressivement. La personne ne se sent plus heureuse comme auparavant, cherchant d’autres moyens plus excitants (comme un toxicomane) et donc le dommage des cellules augment…C’est un véritable processus de destruction ! (…) Les dommages s’étendent à la zone frontale du cerveau qui se heurte avec le temps, se dégradant progressivement et perdant ainsi l’aptitude à prendre la bonne décision. »