Cette semaine, la tribune hebdomadaire de Jean-Paul Brighelli, consacrée à l’école et à l’éducation portait sur le sexe à l’école :
Le mécanisme de la rumeur est ainsi fait que toute dénégation d’une affirmation fausse renforce la crédibilité de cette affirmation — tout au moins auprès des gens décidés à croire avant même de savoir. Quand elle s’additionne à la mauvaise foi, d’un côté, et à la crédulité de l’autre, on finit par croire — et répéter — que l’initiation à la sexualité, prévue de longue date à différents niveaux du cursus scolaire, vise à promouvoir la masturbation, la sodomie, l’inceste, le viol, et autres joyeusetés.
Imagine-t-on sérieusement Jean-Michel Blanquer se faire le héraut d’un tel enseignement ? Imagine-t-on des enseignants, en général pétrifiés de trouille à l’idée de parler de sexualité (si pétrifiés que très souvent ils évitent complètement de le faire, et encore plus aujourd’hui où la féminisation massive de la profession a conduit à des difficultés de communication avec des adolescents tapageurs), recruter des acteurs de films porno pour venir faire des démonstrations devant les élèves ?
C’est pourtant ce qu’il s’est susurré durant tout l’été — une reprise de rumeurs lancées sous le précédent gouvernement, quand on soupçonnait Mme Vallaud-Belkacem de toutes les turpitudes pédagogiques. Des vidéos alarmistes (désormais supprimées) ont été largement partagées par des pères et mères de famille qui jouaient à se faire peur. Le professeur Joyeux, qui en a tellement fait que l’ordre des médecins, qui n’est pas particulièrement composé de gauchistes, a levé plusieurs fois le bout de l’oreille devant ses affirmations tendancieuses, a repris du poil de la bête — et bête, en l’occurrence, est vraiment le mot. Et d’affirmer que les programmes mis en œuvre constituent une « intrusion » si « violente » qu’il « ne faut pas s’étonner si dans le monde un enfant sur quatre a subi des violences physiques, une fille sur cinq et un garçon sur treize des violences sexuelles, un enfant sur trois des violences psychologiques », ni si dans les temps à venir on voit « s’accroître, augmenter les cas de pédophilie et d’inceste, déjà de plus en plus fréquents, fortement induits par les images pornographiques qui circulent partout et dont les jeunes sont saturés. »
Le ministère, qui a pourtant autre chose à faire (dessiner des programmes généraux cohérents, déterminer une nouvelle formation des maîtres, et amender sa réforme du lycée, dont on ne me fera pas croire qu’avec moins d’heures de cours elle dispensera un enseignement d’une qualité supérieure à ce qui se fait aujourd’hui, et qui est déjà lamentable), a dû se fendre d’une circulaire adressée hier 13 septembre aux recteurs et autres instances de décision sur les buts et les modalités de cette éducation à la sexualité. Et de préciser que « cette éducation vise à la connaissance, au respect de soi, de son corps et au respect d’autrui, sans dimension sexuelle stricto sensu à l’école élémentaire ». Autant le dire.
Alors oui, peut-être des instituteurs valeureux répondront-ils aux questions cruciales que se posent vos chérubins (« Est-ce parce qu’ils naissent dans les choux que les garçons ne sentent pas bon ? Comment les cigognes qui portent les bébés entrent-elles en douce dans les maternités ? »), mais ils n’iront guère plus loin. Et au collège, cela se limitera le plus souvent — comme autrefois, après tout cette information est inscrite dans la loi depuis 2001 — aux mécanismes de la reproduction et à la prévention des maladies sexuellement transmissibles.
Et non, ils n’inviteront pas Rocco Siffredi…
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